Carnet de route
Couloir du pic de la Portaneille 2757 m - Vallée de l'Aston
Le 14/04/2024 par CHARBONNEL Alain
Le jour n'est pas encore levé lorsque nous quittons le parking du Pla des Peyres. Certains continuent leur brève nuit, en cheminant entre les blocs et en évitant de prendre des bains de pieds dans ce terrain marécageux. Nous sommes six : Bruno, Quynh Anh, Michel, Raphaël, Vincent et moi. Puis un sentier plus sympathique nous conduit dans le vallon de Varilhe. Nous dépassons le Pic de la Coume d'Enfer et le jour se lève lorsque nous atteignons les premiers névés. La nuit a été fraîche et nous pouvons chausser les crampons.
Petit-à-petit se dévoile la muraille de la crête qui relie le Pic de la Coume d'Enfer jusqu'au Pic de Ransol. Elle est burinée de couloirs et de goulottes et d'importants névés s'accrochent à cet édifice en lui donnant un aspect alpin. Deux couloirs se distinguent nettement et c'est vers eux que nous portent nos pas.
Celui de gauche est le couloir en "S" mais nous déclinons l'aphabet en choisissant celui de droite, qui borde le bastion le plus compact de la face. Nous le nommerons "Couloir en Y".
Le début est facilement remonté et, comme il se redresse en s'encaissant profondément, nous sortons le matériel. Bruno prend Michel et Raphaël sur sa corde, moi Quynh Anh et Vincent. Nous progressons de concert jusqu'à un énorme bloc glacé qui nous barre la route. Je déroule toute la corde et m'élève délicatement jusqu'à une grosse stalactite glacée qui menace notre groupe. Je réussis à poser une broche à glace sous l'obstacle et j'entreprends de me tailler un cheminement entre elle et le rocher, à droite.
Là, je suis obligé de m'incliner devant l'abnégation de mes compagnons qui n'ont jamais exprimé leur ressentiment à mon égard, alors qu'ils subissaient un bombardement de glace...
Retrouvant la pente de neige, je peux solidement assurer mes amis qui me rejoignent et il ne nous reste plus qu'à remonter une esthétique pente de neige ensoleillée, encore raide, jusqu'à l'arête sommitale. Délaissant notre équipement, nous gagnons le sommet par la crête entre la France et l'Andorre.
Un peu plus bas, nous restons plus de deux heures à nous restaurer et discuter, baignés par le soleil et le bonheur.
La descente conserve un côté "haute montagne" puis c'est le long cheminement jusqu'au parking.
Seule ombre au tableau : lorsque nous avons voulu boire un coup aux Cabannes et que la tenancière du bar a dit : "on ferme !". C'est alors que nous avons réalisé que nous étions de retour sur la terre des hommes.





